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    Comme un parfum d’Orient…

    Paris, 1889. Dans les allées de l’Exposition universelle, un tout jeune Maurice Ravel de quatorze ans découvre les sonorités inédites du gamelan balinais et assiste aux concerts de musique russe que vient diriger en personne Rimsky-Korsakov. Deux rencontres inoubliables qui scellent sa fascination pour l’Orient, comme il l’écrira plus tard dans sa correspondance.

    Il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle (même si Rameau et Mozart font figure de précurseurs en la matière – on pense inévitablement aux Indes galantes et à L’Enlèvement au sérail), après la mode du japonisme en peinture, une véritable fièvre orientaliste s’empare à son tour des compositeurs français, accentuée par l’expansion coloniale qui lui donne une proximité et une réalité nouvelles. « L’Orient est devenu pour les intelligences autant que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale », écrit Victor Hugo dans sa préface des Orientales en 1829. Difficile en effet de résister à ce monde imaginaire et séduisant où princesses lascives, sultans énigmatiques et pagodes mystérieuses distillent un charme enivrant fait de pouvoir et de passions…

    Maurice Ravel, Camille Saint-Saëns, Hector Berlioz, Léo Delibes, Gabriel Fauré, Claude Debussy, César Franck ou encore Edouard Lalo font leur miel de ces mythes et légendes d’Orient, d’Afrique du Nord et d’Inde en proposant dans un répertoire enchanteur des chatoiements de couleurs, des parfums exotiques et des orchestrations inédites et inventives.

    Le programme présenté le 20 mai 2019 par l’Orchestre des Champs-Elysées épouse un Orient ravélien singulier, nourri d’influences diverses et dépassant de très loin le plaisir de la « couleur locale ». Le compositeur, en effet, refuse l’orientalisme en tant qu’imitation, mais le revendique pleinement quand il s’agit de nourrir et d’accroître sa palette imaginative et langagière. Sur les rayons de la bibliothèque personnelle de Ravel, on retrouve du reste Les Orientales de Victor Hugo, Les Voyages en Orient de Gérard de Nerval et le Voyage en Orient de Lamartine, sans oublier Les Contes inédits des Mille et Une Nuits de Joseph de Hammer. S’il n’est jamais parti pour Ceylan ou Pondichéry, Ravel écoute aussi avec beaucoup d’intérêt les récits de voyage de son ami Maurice Delage, qui fit un long voyage en Inde de décembre 1911 à mai 1912.

    Ravel est encore au Conservatoire lorsqu’il décide d’écrire un opéra basé sur les Mille et Une Nuits. Seule l’ouverture voit le jour. Achevée en 1898 et jouée pour la première fois six mois plus tard, l’œuvre est sifflée et la critique la qualifie en termes cinglants de « gauche démarquage de l’école russe » ; on lui reproche aussi d’avoir abusé de la fameuse gamme par tons, qui colore un peu facilement les mélodies d’un Orient que l’on pourrait qualifier de convenu. De fait, la pièce ne sera publiée qu’en 1975, près de quarante ans après le décès du compositeur.

    Reconnaissant les faiblesses de sa partition, Ravel ne remet pas son ouvrage sur le métier, mais récidive pourtant dans la veine orientale en 1903 et choisit de mettre en musique trois textes de son ami Léon Leclère (Tristan Klingsor de son nom de plume), extrait de son recueil Shéhérazade. L’orchestration somptueuse et la partie vocale envoûtante dessinent un Orient énigmatique et illustrent à merveille les thèmes abordés que sont le voyage en Orient, un univers d’interdits qui attise la curiosité occidentale et les amours sulfureuses.

    Shéhérazade par Anne Sofie von Otter, sous la direction de Pierre Boulez

    Dans Ma Mère l’Oye se révèle la part d’enfance du compositeur, notamment nourrie par les Contes de Charles Perrault, mais aussi par Les Contes des fées de Madame d’Aulnoy (1697), dont il a adapté Le Serpentin vert du tome III pour sa troisième pièce Laideronnette, impératrice des pagodes : ici les cloches du temple et les rythmes du gamelan proviennent de Java, dont Ravel tenait la musique comme la plus élaborée d’Extrême-Orient. L’œuvre fait également référence au monde des chinoiseries qui irrigue le commerce colonial et les expositions du XIXe siècle.

    Si Shéhérazade se jouait volontairement des clichés, la dernière berceuse délétère s’évaporant dans l’inaccomplissement et l’endormissement des désirs, La Valse, elle, composée en 1919 par un Ravel terrorisé par la Première Guerre mondiale, emporte l’auditeur dans un tourbillon funeste et inexorable.
    La boucle est bouclée : le mirage d’Orient se fond dans l’absurde réalité de la guerre.